L’hiver sera court…

Les différences de mentalité entre Israéliens "d’origine" et Français récemment arrivés font régulièrement l’objet de nombreuses discussions, plus ou moins animées et indulgentes, mais j’ai noté, pour ma part, une différence majeure que personne ne contredira, sous peine de mauvaise foi…

Cette différence est celle du rapport entretenu avec l’hiver. Cette saison, qui occupe en France les ¾ du temps, bien que le climat tempéré est en principe soumis aux quatre saisons, ne connaît pas du tout le même enthousiasme selon qu’on soit né en Israël, ou fraîchement débarqué. 
L’hiver, sensé arriver le 21 novembre en France si l’on en croit le calendrier « loazi » (traduisez pathos), s’incruste bien souvent dès septembre-octobre (pour preuve les 7 degrés affichés le 3 février dernier sur le thermomètre accroché à la fenêtre parisienne de chez mes parents, en plein 9ème arrondissement). Si ces températures sont automnales, que sera l’hiver ?
Sans vouloir être rabat-joie, si on oublie les orages post-canicule de mi-août, et le printemps qui a littéralement été zappé du fait des giboulées qui oscillaient entre pluies, ondées, bruines, et averses torrentielles, le peu de beau temps était tellement lourd et caniculaire que même l’été s’est révélé désagréable dans la majeure partie de la France
Donc les Français ont de bonnes raisons d’être « échaudés » et de kiffer véritablement tout rayon de soleil israélien…
Tout comme la voiture d’un Israélien doit être, avant toute autre option, équipée d’un klaxon, l’appartement qu’achètera tout Français qui se respecte aura obligatoirement…la vue sur la mer et sur le ciel ensoleillé. Dans le même ordre d’idée, où trouver les Français, quand ils ne travaillent pas, du lendemain de la Mimouna, à mi-décembre ? A la plage, et au retour, aux terrasses de café pour profiter de ce fameux soleil si cher à leurs yeux qui en ont tant manqué durant toutes ces années d’exil en  Galout à « climat tempéré », qui a tempéré le caractère du Français au point de le rendre lunatique (je sens que je ne vais pas me faire des amis). D’ailleurs, la meilleure idée marketing dans le commerce du souvenir serait, mieux que le Tee-shirt « I love Israël » ou que la pendule murale en bois verni décorée du dessin du Mur des Lamentations sur étain gravé : une boite contenant du soleil d’Israël, qu’il suffirait d’agiter pour inhaler du bonheur…Les docteurs devraient y songer, la solution au trou de la sécu est là…
Pour les Sabras, c’est différent…Le « matsav rouakh » (humeur) israélien est directement lié au "miflas hakineret", niveau du Kineret, qui occupe la première place dans la liste des préoccupations israéliennes, le cours du dollar se positionnant non loin derrière. Ainsi, un centimètre de plus enregistré sur le niveau du lac mettra votre patron sabra, le guichetier de la poste, ou encore votre banquière, de bonne humeur pour la journée, ce qui est toujours utile de savoir (ajouté à un maxi mug de café Elite noyé dans du lait, le bonheur est complet).
Le soleil n’est pas le meilleur ami de l’Israélien (même si sa peau le supporte pourtant bien mieux que celle du Français, qui a tendance à virer au rouge plus les origines ashkénazes sont présentes). Et ne parlons pas du Russe, qui a transformé son parapluie soviétique en bouclier anti-solaire et tient là son "péril jaune"). Le Sabra ne peut pas vivre sans mazgan, attend l’hiver et voit le réchauffement de la planète comme une prophétie de mauvaise augure. Il est à l’affût du peu de froid que le furtif hiver israélien lui apportera, et le moindre nuage annonciateur de pluies le met en joie. Il n’y a qu’en Israël où vous pourrez assister à des prières collectives de rabbins pour faire venir la pluie ! Et le jour où la neige se trompant de destination vient à tomber accidentellement en Israël, est déclaré fête nationale, et les enfants, ravis de faire des luges avec leurs buggys, ont un jour de vacances, l’école étant fermée. Ce jour-là, on prend les appareils photos, et le train pour aller voir, au lieu de la grande bleue à Eilat, la grande blanche sur Jérusalem.
Alors que les Françaises repoussent au maximum le passage aux collants, écharpes et pulls de leur garde-robe d’hiver, les Israéliennes, au contraire, enfilent des bottes fourrées dès qu’il fait 18 degrés, 15 degrés étant les grands affres de l’hiver qui les feront s’emmitoufler dans des écharpes et grosses doudounes, sortir leurs couvertures chauffantes, leurs bouillottes, et allumer leurs radiateurs à infrarouge.
Bref, tout ça pour vous dire que tout est une question de mentalité, mais qu’elle trouve parfois son origine…dans l’origine. Et la morale de l’histoire, où en tout cas ce que l’on pourra retenir de ces préoccupations saisonnières, se résume à une phrase, à cogiter pour comprendre autrui : « Dis-moi d’où tu viens, et je comprendrai comment tu es…»

Valérie Bitton

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