QUESTION DE MENTALITÉ...

Quelques mois passés en Israël, quelques années pour les plus lents à « capter »,  vous ont fait comprendre que pour vivre ici, il fallait développer soit des montagnes de patience, soit prendre vite le pli et les façons de faire locales pour arriver à vos fins. Je n’alimenterai pas le débat qui consiste à savoir quelle est la manière française et l’israélienne, je vous donne juste quelques options de comportement. Libre à vous de choisir celle qui vous convient le mieux…

A la koupat Holim (chez le docteur)
1/Je m’assois et attends patiemment mon tour et je fais connaissance avec tous les adhérents de ma caisse maladie qui m’auront tout simplement doublé pour « juste demander une ordonnance ».
 2/ Toc toc toc ! Bonjour Docteur, vous pouvez me recevoir ?
 3/ J’ai mal à la gorge, tu peux jeter un oeil ? (en ouvrant grand la bouche et la porte, quitte à mettre dans l’embarras le patient qui s’apprêtait à se faire piquer dans une région autre que le bras)

A la caisse du supermarché
 1/ J’ai oublié d’acheter le lait, prenez ma place si je ne suis pas revenue à temps
 2/ "Mi Hakharon ?" ("Qui est le dernier?" Question posée par tous les Israéliens afin de pouvoir faire leurs courses et revenir reprendre leur place)
 3/ Une minute, je passe devant, je n’ai que 10 articles et vous 13, la pizza cuit dans mon four, mon bébé attend dans la voiture, et j’ai une envie folle de faire pipi qui ne résistera pas !

Dans l’ascenseur
 1/ "Naïm méod, madame Boutboul… Quel étage ? Moi, c’est le sixième, si vous avez besoin de quoi que ce soit, n’hésitez pas…"
 2/" Shalom! Vous habitez dans l’immeuble ? Vous êtes nouvel arrivant ?"
 3/ "Vous louez ou vous avez acheté ? Combien ? Avec ou sans machkenta ? Puisque vous passez par le parking, vous pouvez déposer mon sac poubelle ?"

A la station de taxi
 1/ "Shalom adoni, pouvez-vous me conduire à la zone industrielle, s’il vous plait ?, en m’asseyant sur la banquette arrière et finissant mon cornet de glace avant d’entrer"
 2/ "Nahag, conduis-moi au centre ville, avec le compteur SVP !"
 3/ "Combien tu prends jusqu’à Sheshet Hayamim ?", en mettant mon maillot mouillé sur son siège avant et mes tongs ensablées sur son tableau de bord, et en ouvrant grand la fenêtre sans le moindre égard pour sa climatisation.

A la plage
 1/ Je rentre précautionneusement dans l’eau en évitant d’arroser mes voisins, évite de faire la bombe ou l’avion qui va décoller près des nageurs et ressors tout aussi précautionneusement sans m’ébouriffer comme le caniche d’à côté, ni marcher sur la serviette de mon voisin et secouer la mienne dans le sens du vent.
 2/ Je m’assois à une distance de sécurité d’au moins deux mètres, ne me mêle pas aux  conversations si je n’y suis pas invitée à y prendre part, même si je sais qui a joué dans « l’année des méduses », et si on me demande l’heure d’entrée de shabbat, je ne suis pas obligée de donner dans le détail le menu que j’ai préparé pour tata Messaouda.
 3/ Oh, la belle plage vide ! J’aperçois des gens tranquilles au bout là-bas, et je vais coller ma serviette sur eux pour qu’ils se sentent moins seuls. Comme ça, je pourrai comparer nos bronzages et notre taux de cellulite, et on pensera que ce sont eux qui ont laissé les paquets de bambas, noyaux de nectarine et bâtons d’esquimaux par terre.

En location
 1/ Je fais le ménage avant de restituer l’appartement, laisse un fond de rouleau de papier toilette pour les locataires suivants et quitte les lieux à l’heure prévue. J’ai lavé et plié les draps, et récupéré le vilain tableau et l’affreuse lampe en coquillages de dessous le lit pour les remettre à leur place initiale.
 2/ J’organise un barbecue sardines grillées, obligeant ainsi mes voisins à mettre leurs cinq sens en éveil, éveillés qu’ils seront par l’odeur tenace et le bruit de ma chaîne stéréo à fond à côté de qui Johnny Halliday au Zénith ressemblera à un concert de musique de chambre.
 3/ Je laisse un souvenir d’épilation dans la baignoire, de teinture sur le tapis de salle de bain blanc et de manucure sur la moquette du salon. Je vis comme une touriste du Club Med pour qui tout est à volonté, l’eau et l’électricité étant compris dans le forfait, je ne remplace pas le bol cassé au petit déjeuner et emporte avec moi en guise de souvenir le si joli ravier qui ira si bien avec mon service perso.

Au restaurant
 1/ Je tente d’intercepter le regard du serveur pour qu’il vienne prendre la commande ou esquisse un léger signe de la main, j’ai déjà choisi un plat avant son arrivée à ma table, mais je laisse mon chéri passer la commande (et pourquoi pas payer s’il insiste), je mange la bouche fermée, ne fait pas « slurp » slurp » si je bois de la soupe, parle la bouche vide et vérifie d’un rapide coup d’œil dans la lame du couteau si un bout de salade ravageur n’est pas venu s’immiscer entre deux dents.
 2/ Je hèle : Meltsar ! La même salade que ma voisine, mais alors sans les oignons et avec des olives, et puis, light la sauce, c'est-à-dire sans huile mais avec du jus de citron pour le goût…oh, et puis finalement, une assiette de pâtes fera l’affaire. Sans sauce, et al dente, les pâtes…
 3/ J’éructe : ALLO ! C’est pour demain, le verre d’eau ? Non, pas minérale, du robinet ! Si c’est buffet à volonté, j’empile trente centimètres de carottes râpées dans mon assiette. Je mets mes os de côtelette d’agneau sur la nappe, mes coudes sur la table, me serre du verre comme d’un rince-doigt puis d’un cendrier, dépèce un cure-dent et part sans laisser le moindre pourboire.  

A la fête de l’école
 1/ J’arrive à l’heure, je coiffe ma progéniture et lui met le tee-shirt blanc qu’on a demandé, et « mouche ton nez et dis bonjour à la dame », je me propose pour faire le taboulé ou acheter les borekas, (c’est toujours bien vu, les borekas), je prend l’air engageant, je fais « la danse des canards » et « la chenille qui redémarre » même si j’ai l’air ridicule, j’ai pris soin de charger l’appareil photo et je bombarde tous les copains-copines à qui je promets de donner un double avant l’année du baccalauréat…
 2/ J’arrive une heure après car ça commence toujours une heure après, j’aide la maman chargée de bouteilles et de cakes comme ça moi non plus, je ne suis pas venue les mains vides, je monopolise la mora toute la soirée pour lui parler du « cas Nathanaël », la directrice pour tenter de faire sauter une classe à mon enfant surdoué (si, si, c’est de famille), et le buffet duquel je ne décolle pas, bien décidée à ne pas faire à dîner ce soir en rentrant…
 3/ Je n’y vais pas, l’année prochaine il change d’école, et la danse des canards, c’est pas mon truc, et puis il grandira, et il oubliera…

Valérie Bitton


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